Goélands et Gabians
Les mal-aimés
Trouville-sur-Mer, dans le Calvados, innove dans la lutte contre les goélands: un drone survole les nids installés sur les toits, pour pulvériser sur les œufs un produit stérilisant.
Trop bruyants pour certains, trop sales pour d’autres, les goélands sont mal-aimés des habitants de Trouville. Pour lutter contre ces oiseaux qui pondent sur les toits, la station balnéaire a une nouvelle arme: un drone qui pulvérise un produit stérilisant dans les nids. Le but étant de limiter le nombre de naissances pour modérer les nuisances.
Ces oiseaux aux ailes gris clair, d’une envergure de 1 mètre 25, agacent les habitants car ils endommagent les toits, bouchent les gouttières, créent de vrais dommages aux habitations, délogent les mouettes, éventrent les poubelles, et commencent à chanter dès 5 heures du matin. Et le niveau sonore va encore augmenter. En effet, les goélands sont en période de ponte, et dans quelques semaines des oisillons vont naître.
Stérilisation
La ville normande, qui reçoit une centaine de plaintes chaque année, mène depuis cinq ans une campagne de stérilisation des nids de goélands argentés avec l’autorisation du préfet et sur les recommandations du ministère de l’Écologie. Mais pour la première fois, Trouville a décidé de faire appel à une société spécialisée dans la confection de drones, plutôt qu’à des experts des travaux d’accès difficile. Une méthode plus rapide et moins dangereuse que de faire monter des hommes sur les toits. «Ce choix a été notamment encouragé à cause d’un accident l’an dernier», confie Pascale Cordier, adjointe à l’environnement et à la culture de la ville. De plus, «c’est plus économique: l’opération est d’environ 15.000 € contre 23.000 l’an passé», indique-t-elle.
«La stérilisation est habituelle en bord de mer, et nous y sommes favorables car c’est la méthode la moins invasive. Pour ce qui est du drone, c’est une nouvelle technique donc on attend de voir comment ça évolue», assure Barbara Boyer, de la Ligue pour la Protection des Oiseaux (LPO).
Formol et huile de paraffine ! Conçu spécialement pour cette opération, le drone de 4 kg est doté d’une caméra, et piloté au sol par un professionnel de la société Civic drone. Sur un écran, le pilote suit le parcours de l’engin afin de voir les nids et les œufs qui «ne sont pas facilement repérables, car ils sont à l’abri du vent», explique Pascale Cordier. Contrôlé par télécommande, le drone est tellement précis qu’il n’a même pas besoin de se poser sur le toit.
Le Flying Sensor FS-S3 a été spécialement conçu pour stériliser les œufs de goélands. Ce projet de stérilisation technologique des nids consiste à les repérer puis à pulvériser un produit contenant du formol et de l’huile de paraffine sur les oeufs afin d’empêcher leur éclosion. «Les goélands sont des espèces protégées depuis 2009, les adultes ne peuvent donc pas être attaqués», explique l’élue. «Le formol permet à l’embryon de se conserver et les parents continuent à couver, ils ne font donc pas de seconde ponte», souligne Barbara Boyer. «Il n’y a à priori pas de risque pour les adultes qui, en principe, doivent fuir dès l’arrivée de l’appareil. Les œufs n’éclosent pas, ce qui incite les volatiles à changer de site de reproduction, et donc à s’éloigner des villes», continue la jeune femme.
Le grand nombre de goélands à Trouville s’explique notamment par l’existence du port de pêche. «Ils sont attirés par la ville parce qu’on leur donne à manger», souligne Barbara Boyer. Outre cette nourriture abondante à proximité, les goélands trouvent sur les toits un site de reproduction sans prédateur. «Ils ne sont plus sauvages mais sont devenus totalement urbains, ils n’ont plus peur de l’homme», souligne Pascale Cordier. En France, la population de goéland argenté, l’espèce la plus répandue, était estimée à 75.000 couples en 2006. «L’année dernière, nous avons recensé 447 nids à Trouville» annonce Delphine Teulières, responsable du développement durable de la ville. A Marseille va-t-on faire la même chose aux gabians ? Article rédigé par Clémence Vastine.